Le déclin d’une étoile

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S’ils n’étaient pas déjà trop récurrents, les classiques où les protagonistes se hissent au sommet après des débuts difficiles, je vous en aurais conté un. Mais notre imaginaire nous renvoie presqu’automatiquement au beau temps qui suit la pluie. D’accord, il faut admettre l’existence des deux : la pluie, le beau temps. Mais aussi : la gloire, le déclin. Vous voyez ? Les deux existent. Pas toujours dans un ordre rigide, cependant. Il arrive que l’un suive ou précède l’autre. Ou même que les deux coexistent à un moment précis de la durée.

Pour un footballeur qui se retrouve dans les rangs du Real Madrid et qui, en plus, est le mieux payé du club, la déduction est vite faite. C’est la gloire. Mon Dieu ! C’est le rêve de presque tous les gamins des centres de formation. Qu’un club de prestige pose la main sur eux, qu’ils remportent des titres et des titres. Et encore des titres jusqu’à ne plus savoir quoi en faire. C’est le cas, par exemple, d’Eden Hazard au Real Madrid. Salaire exorbitant. Tous les titres collectifs possibles. Mais ce visage pâle qui s’est faufilé entre les joueurs célébrant le 20e sacre du Real Madrid en Coupe du Roi va me donner raison. C’est le visage de la coexistence de la gloire et du déclin. Ou tout bonnement le visage du déclin (après la gloire), sur un plan essentiellement sportif.

La gloire

Eden Hazard est jusqu’alors considéré comme l’un des meilleurs joueurs belges de tous les temps. D’une habileté technique rare, c’est au LOSC Lille que le joyau va se peaufiner à partir de 2005. Il n’a que 14 ans quand, de la Belgique, il rejoint le club français pour poursuivre sa formation. Il se distingue évidemment dans les catégories espoir avant d’en faire autant comme footballeur professionnel en Ligue 1. Deux fois meilleur joueur du championnat de France (2011 et 2012) ; puis un trophée de champion de France en 2011 et toute l’Europe est prête à se débourser pour le prodige belge. C’est finalement Chelsea qui aura eu gain de cause en officialisant la signature du jeune ailier contre un pactole de 50 millions d’euros.

Son talent n’étant plus à confirmer, Eden Hazard devient rapidement le leader technique du club anglais. Il fait d’ailleurs partie du ‘’ 11 type ‘’ de la saison 2012-2013 (sa première) en Premier League. Aussi, à cette première saison sous les couleurs des Blues, le belge est un artisan de leur sacre en Europa League même s’il rate la finale en raison d’une blessure aux ischio-jambiers. Alliant spectacle et efficacité, Hazard gagne le cœur des londoniens et  la reconnaissance du monde entier. Ses incroyables performances lui valent de figurer parmi les 23 nominés au Ballon d’Or en 2013-2014. Plus tard, en 2015, Hazard et Chelsea semblent se faire une promesse d’éternité : Prolongation de contrat jusqu’en 2015. Salaire le plus élevé du club pour le joueur. C’est gagnant-gagnant entre les deux parties.

Eden Hazard aura remporté 6 trophées collectifs en 7 ans avec Chelsea, dont deux Premier League (2014-2015 ; 2016- 2017), une League Cup (2015) et une FA Cup (2018).  Individuellement, en autant d’années, ç’aura aussi été un sans-faute : 909 dribbles réussies sur 1441 tentées en PL ; 3 fois meilleur joueur du club en 5 ans ; 4 fois  membre de l’équipe-type de la Premier League ; 2 fois meilleur passeur décisif de Premier League ; meilleur joueur de PL en 2015.

Hazard, c’est aussi une figure emblématique de la génération dorée de la Belgique qui aura impressionné sans pourtant soulever de titres majeurs. Avec les Diables Rouges, il remporte le ballon d’argent à la Coupe du Monde 2018 après avoir fait sortir le Brésil en quarts de finale.

Eden Hazard croit atteindre le sommet de sa gloire en rejoignant le Real Madrid en été 2019. C’est la sensation du Mercato tant par le coût du transfert (plus de 100 millions d’euros) que par ce qu’on le croit capable d’apporter à sa nouvelle équipe. A Madrid, on attend beaucoup du belge qui est d’ailleurs pressenti comme le digne remplaçant de Cristiano Ronaldo. Mais il n’a pas le temps de faire ses preuves parce qu’il tombe sur plus fort que lui : des blessures à répétition. Les fans n’hésitent pas à indexer son surpoids et à lui reprocher son hygiène de vie qui, selon eux, serait à la base de ses pépins physiques.

Ça devient tendu entre Hazard et le public Merengue. La situation va tourner au vinaigre en 2020-2021 quand ce premier est aperçu en train de ‘’célébrer’’ la qualification de Chelsea, son ancien club, contre le Real Madrid en ½ finales de la C1. Sa réaction est interprétée comme une insulte à la Maison Blanche. L’ailier belge s’excuse mais rien n’y fit. Il aura perdu le soutien des madrilènes qui ne veulent d’ailleurs plus de lui.

Durant les deux prochaines saisons, le calvaire continue. Entre-temps, Zidane que Hazard tient en haute estime, s’en va après un deuxième passage non-réussi au club de la capitale espagnole. Le nouvel entraineur, Carlo Ancelotti, ne lui laisse plus aucune chance, déjà que Vinicius lui semble très prometteur. Le mariage entre Carlo et l’ailier brésilien se précise au détriment du belge qui va longtemps pourrir sur le banc.

Les blessures ne font malheureusement que l’enfoncer davantage. Entre août 2019 et février 2023, Hazard aura contracté près d’une quinzaine de blessures avec des durées d’indisponibilité allant jusqu’à 80 jours. Il est toujours soit convalescent ou au bord de la rechute. Physiquement, il se dépérit. L’orchestre joue sans lui. Plus personne ne se souvient de qui il était, de l’étoile qui brillait de mille feux dans le temps.

32 ans maintenant, plus du tout en jambes comme il l’était à Londres et encore une année de contrat à honorer au Real Madrid, les chances pour le diable rouge de rebondir s’amincissent chaque jour davantage. Ce samedi, Eden Hazard s’est joint à ses coéquipiers pour célébrer la Coupe du Roi remportée 2-1 face à Osasuna. On dirait un inconnu. Ses efforts de paraitre euphorique sont éclipsés par un inconfort palpable — autant chez lui que chez nous autres qui regardons. Dans son regard vide, distrait, il est possible de lire la nostalgie de celui qui a perdu son étincelle et qui ne sait plus quand il la retrouvera. De leader technique à Chelsea à banquette au Real Madrid, l’étoile elle-même est consciente de son déclin.